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Gone with Butler
13 septembre 2016

Nana

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analyse/ critique

spoiler

Nana est une petite fille de quatre ans qui vit à la campagne, entre sa mère et son grand-père.

La scène d'ouverture est la mise à mort et la saignée d'un cochon, avec trois enfants en arrière-plan, regardant la scène sans émois. Néanmoins, le ton est donné : sous l'apparente simplicité, avec ses longues séquences, ses plans fixes et ses personnages peu bavards, le film témoigne de la présence sous-jacente de la cruauté dans la vie de la fillette.

Chez sa mère, dans une vieille maison à l'orée d'un bois, la petite Cendrillon se satisfait fort bien de son existence. Elle joue, examine, explore, comme n'importe quelle petite fille. Mais elle ne demande jamais d'aide et en reçoit fort peu. D'où cette scène assez incroyable où pendant cinq minutes Nana tente de couper sa viande, debout, sans rechigner à la tâche, avec patience, tandis que sa mère, à côté d'elle, mange la sienne et regarde sa fille de temps à autre, sans rien dire, déjà inexistante.

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Aussi, lorsqu'un soir, Nana rentre de l'école et ne trouve personne chez elle, c'est sans panique qu'elle fait face à la situation. Sa vie n'est quasiment pas bouleversée par cet événement. Avec constance et application, Nana prend soin d'elle et de la maison, enfouissant son sentiment d'abandon dans les habitudes de vie. La cruauté n'est pas visible à l'écran mais elle naît dans nos cœurs,petite à petit. Car, en filmant avec une apparente simplicité, la réalisatrice réussit son pari de nous mettre à hauteur d'enfants, et, comme Nana, nous ne comprenons pas ce qui lui arrive et on n'en saura pas plus qu'elle à la fin du film. Le décalage que la fillette vit entre son insouciance et sa responsabilité peut être perçu, par exemple, au moment où, après avoir ramené un lièvre mort, coincé dans un piège, elle hésite entre les caresses et le dépeçage, du moins notre propre regard hésite : est-ce une peluche ou du gibier ?

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Le film s'ouvre et se referme sur la mort : cruellement d'abord, avec celle du cochon, puis poétiquement, avec la représentation de la mort supposée de la mère, devenant une sorte de belle au bois dormant, allongée dans un lit en pleine forêt, mais endormie à jamais. Nana s'approche d'elle, des couvertures et des jouets (les souvenirs associés à sa mère ?) qu'elle a amenés jusque-là, et lui jette le vieux livre de conte qu'elles lisaient ensemble quelques fois. Cela lui permet de clore la relation mais aussi d'exprimer ce qu'elle ressent : un peu à la manière de ce qui ne sert plus, de ce qui est trop usé, on jette tout cela à la décharge et on ne revient pas en arrière.

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C'est le grand-père qui vient récupérer Nana, sans explication, sans effusion de sentiments. Une nouvelle page de sa vie se tourne mais elle reste fidèle à elle-même, comme ne comptant déjà que sur elle-même, seul roc stable dans sa courte vie. On remarque son caractère dès l'affiche du film : elle regarde vers nous, adultes, avec interrogation, mais sans peur ni reproche, prête, quoi qu'il arrive, à assumer sa vie. Ainsi, le dernier plan montre Nana et son papy marchant côte à côte ; elle lui demande s'il va bien : or, on aimerait plutôt que ce soit le grand-père qui lui pose la question et que l'on prenne enfin soin d'elle !

Nana, de Valérie Massadian, avec Kelyna Lecomte, Alain Sabras, Marie Delmas, 2012.

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